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Sans elle - roman
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LÉVESQUE ÉDITEUR

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Extrait du roman Sans elle :
 
Je suis Hélène

Je suis la plus vieille. Je suis revenue. Je suis l’inattendue. La mort m’approche sans conséquence. Elle n’a pas réussi à me vaincre. Ni même à ses troisième et quatrième visites. Je suis là. Je suis Hélène. La plus vieille. Ressurgie dans une vie qui porte ce nom d’Hélène Roberts, Hélène. Roberts. À son cinquième passage.

Si ce n’était la souffrance, je crois que mes morts auraient été vite oubliées. Elles m’auraient filé entre les os et la chair. Tant de morts parmi nous, chaque jour que le soleil trace. Je suis d’abord décédée sur de la glace noire à 29 ans, dans un choc de carrosseries. J’ai été projetée sur une autre victime. Une déviation. Je me suis réveillée dans un corps débile sans mémoire. Et je suis restée une plaie ouverte.

J’ai voulu tuer ce corps idiot et j’avais réussi, deux fois. Mais on m’a remise en vie, deux fois. Ainsi le voulut le progrès. Mais j’étais un corps sans identité, ignorant toujours ma première existence.

Et je suis encore morte quelques années plus tard. Près de gens qui tenaient à ma vie plus que moi. Je suis morte par épuisement. Mon corps rapiécé ne pouvait plus me supporter ou me contenir. On m’a mise en terre entre deux arbres près d’un chalet haut perché sur un lac noir. Ma quatrième mort.

Je tiens à ce qu’on m’imagine sur un fond noir. Couleur de la terre sous la pluie. Ou du sang trop vieux.

On ne m’a pas enterrée profondément. On attendait ma mort, elle devait arriver. Il y avait mon linceul, il y avait moi. Le sol était meuble. De grandes pluies sont aussitôt venues et ma tombe s’est dissoute, m’a refusée. Je suis sortie du coma. J’ai pris la verticale des vivants. Et une nouvelle perception du temps et de l’espace.

Cette fois, je suis très droite et forte. Haute, même. Élégante comme avant l’accident, dans ma toute première vie. Et il est étrange que je ne ressente pas tout mon poids. Mais je n’ai jamais été ronde. Je suis une somme esthétique de demi-courbes. Mes membres sont maintenant déliés comme dans ma première existence de femme dite belle, mais vide. Cette femme n’aurait pas eu de destin propre. Sa vie a brusquement cessé de lui importer. Tellement qu’elle l’a négligée. À vingt-neuf ans, sa vie l’a oubliée et elle a oublié sa vie. Il reste beaucoup d’étrange, dans mon rapport avec l’existence. On parle de moi comme d’une froide beauté blonde. Je suis Hélène. Depuis toujours, peut-être.

Entretien fictif autour du roman          Voici ce qu'on en a pensé...

 

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