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Extrait
de Mer intérieure :
« Dans le soleil. Je suis là. Nous avions
les mains aplaties sur le tissu du lit. Une surface couleur d'estuaire.
Nous en parallèle. Comme sur un territoire à conjurer. Le prochain
souffle à prendre. C'est là que s'arrête le fleuve. Pour grandir
à l'insu. Nous baignons dans le jour, deux nixes intriguées par
la terre ferme. Nous attendons, sans l'avouer. Peu importe quand,
avec qui, à quel rythme, l'amour doit baigner dans sa propre conviction.
Les sirères toujours prient, quoiqu'on l'ignore. Depuis l'intérieur
sensible de mes paumes, je fais le tour du passé revenu chez Néréis,
qui elle est maintenant. Ces bras, cette tête : Hélène aussi. À
côté de qui est moi... Le haut du corps qui émerge toujours. Notre
part la plus reconnaissable, nulle autre. Nous avons des mètres
de peau ouverte comme l'océan envelopperait, borderait, à nous épargner
le temps. La divinité n'est qu'un mouvement d'organes qui s'interrogent
dans l'obscurité. Les sirènes ouvrent l'espace et l'enclosent...
Elle tient ma tête contre son cou, nos visages sont encore tournés
vers le soleil et la ville. Dans une espèce de musique en douce
marée de sang paisible. Baignons... Le chant s'appelle vivire, et
le parcours a ses récifs. Mais toutes les séductions nous précisent.
Dans l'air de cette île humide, des vagues vont de nous à d'autres,
puis des autres à nous. Sommeil. Une plénitude attend. Vous viendrez.
Vous viendrez, Bruno, Hugues, Jacques et Dat, Raphaëlle ou Marie
ou Puce, puis vous aimerez oublier vos noms. Sur le miroir de l'eau.
Dans le courant d'une candeur. Vert tendre. Vous dépouiller du trop
tangible. Entendez le chant vous perdre. Pour vous retrouver ailleurs
et autrement. »
Andrée Laurier, Mer
intérieure, roman, XYZ,
2000. Voici
ce qu'on en a pensé...
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