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Extrait
de Horizons navigables :
La danse a lieu dans un paysage de brume,
où le soleil est une opale éclatée, une opale
à centre vert. Des acacias, à distance, lancent leurs
branches tortueuses et douces vers l’horizon, des deux côtés
du monde vu.
L’image bouge. Un homme et une femme paraissent,
découpés dans ce cadre de laitance qui rayonne. Ils
sont habillés d’anciennes couleurs aux tons pris à
la nature. Marron des écorces, pourpre des fleurs, grenat
aux rappels de sang dilué d’eau. Partout le vert, et
une promesse de bleu.
L’homme et la femme. Aux tête inclinées.
Un peu.
Ils sont liés. Unis. Tout le long du corps.
Et du temps.
Leurs couleurs se fondent en une opacité chatoyante
contre la lumière qui les touche, les découpe. Mais
c’est à leurs bras, levés à l’horizontale,
paumes ouvertes vers lui comme s’ils portaient le ciel –
c’est à leurs bras qu’on les reconnaît.
Leurs bras qui démarquent l’image. Qui les distinguent
de la peur ambiante. Ils sont l’axe du visible, le centre
d’un univers latent. Leurs bras tendus, en surimposition.
Un rien de tristesse dans l’angle de leur nuque, les yeux
presque clos. Aucun rythme n’est plus beau ni plus lent que
celui de leurs membres par qui la terre parle, et qu’ils allongent
au large de la passion ou d’une tendresse ancienne, au-dessus
de leurs têtes lumineuses. Ils tournent autour d’eux-mêmes,
deux météores de chair. Lentement. Dans un brun soupir.
Avec la gratitude de l’éternité.
Andrée Laurier, Horizons
navigables, roman,
XYZ, 2006.
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